Au début du XXe siècle, le Château de La Verrière, un édifice historique niché près de Rambouillet, devint la résidence d’Arthur Julian Moulton et de son épouse Gertrude Wood Bell Moulton, un couple d’amateurs de musique américains. Les Moulton, après avoir acquis le château, aspiraient à transformer ce lieu chargé d’histoire en un centre névralgique de la culture musicale européenne. Passionnés par la musique et animés par un esprit avant-gardiste, ils projetaient de faire de La Verrière un sanctuaire dédié à l’harmonie et à la coopération internationale à travers le prisme de la musique classique et moderne. Leur vision était d’ouvrir ce lieu majestueux à des artistes, des intellectuels et des amateurs de musique du monde entier, faisant ainsi du château un carrefour de rencontres culturelles et un symbole de paix artistique. Ce cadre somptueux, avec ses jardins à la française et ses salles historiques, devait incarner leur utopie d’un monde où la musique serait le lien unissant les diversités et surmontant les conflits.
Leur ambition était de créer un Centre musical européen, envisageant la musique comme un moyen de rapprochement entre les peuples en période de tension politique et sociale.
Un Projet Innovant dans un Contexte Turbulent
Le projet de Centre musical européen, conçu principalement par Gertrude dès 1928, était prévu pour être un lieu d’échange et de coopération internationale. La vision des Moulton était d’utiliser la musique pour transcender les frontières et promouvoir la paix. Ils envisageaient des innovations technologiques impressionnantes pour l’époque, comme un plancher mobile autour de la scène et un système permettant des effets scéniques avancés, probablement une idée d’Arthur, qui avait un intérêt prononcé pour les nouvelles technologies.
Des Défis et des Rebondissements
Le couple avait initialement reçu le soutien du gouvernement français, qui leur avait offert un terrain dans le parc de Saint-Cloud. Cependant, le krach boursier de 1929 et la crise économique qui en résultait conduisirent à l’abandon de ce projet par les autorités. Gertrude, ne se décourageant pas, déplaça alors ses ambitions vers Salzbourg, un choix motivé par son désir de créer une « Mecque de la musique », loin du matérialisme qu’elle attribuait à Paris.
L’Art contre le Matérialisme
Le couple Moulton critiquait vivement le mercantilisme, qu’ils jugeaient destructeur pour l’humanité et l’art. Dans leur manifeste, ils employaient un vocabulaire militant pour décrire la musique comme un outil de lutte contre ce fléau. Ils envisageaient leur centre non seulement comme un lieu de performance, mais aussi comme un espace de résistance contre l’individualisme et le matérialisme rampant qu’ils percevaient dans la société contemporaine.
Impact et Héritage
Malgré l’échec de leur projet initial et la montée des tensions politiques en Europe, l’initiative des Moulton a laissé une marque indélébile dans l’histoire culturelle. Ils ont été parmi les premiers à concevoir la musique comme un moyen de diplomatie culturelle, anticipant des mouvements qui prendraient de l’ampleur bien après leur époque.
Leur passage au Château de La Verrière reste un témoignage de leur engagement envers un idéal de cosmopolitisme et de fraternité universelle, des valeurs qui continuent d’inspirer les initiatives culturelles internationales aujourd’hui. Bien que le centre n’ait jamais été réalisé, la vision des Moulton de la musique comme un vecteur de paix et de compréhension mutuelle reste pertinente et inspirante.
Leur histoire, marquée par la passion, l’innovation, et un engagement sans faille pour l’art, rappelle l’importance de la créativité et de la vision dans la recherche d’un monde plus uni et harmonieux. Leur rêve d’un sanctuaire musical peut servir d’inspiration pour de futures générations cherchant à utiliser l’art pour rapprocher les gens.
En Conclusion
Malgré le début prometteur et l’intérêt initial du gouvernement français, le projet a été abandonné suite au krach boursier de 1929 et à la crise économique subséquente.
Gertrude Moulton a continué à poursuivre des initiatives musicales après leur séparation, déménageant le concept à Salzbourg, loin du matérialisme qu’elle percevait à Paris.
Informations : revue musicale OICRM – Internationalisme, cosmopolitisme par Judy-Ann Desrosiers et Federico Lazzaro – 2017